Chocolat contaminé au cadmium : ce que révèle l’enquête de l’UFC-Que Choisir
Votre tablette de chocolat noir préférée cache-t-elle un danger invisible ? L’UFC-Que Choisir vient de lever le voile sur une réalité inquiétante : nos produits chocolatés contiennent du cadmium, un métal lourd toxique qui s’accumule silencieusement dans notre organisme.
Un métal lourd dans nos desserts favoris
Le cadmium n’est pas un additif industriel, mais un élément naturellement présent dans la croûte terrestre. Les cacaoyers absorbent ce métal directement par leurs racines, particulièrement dans certaines régions du globe où les concentrations géologiques sont plus élevées, comme l’Amérique latine.
Les agences sanitaires française et européenne fixent une dose maximale tolérable de 0,35 μg par kg de poids corporel et par jour. Concrètement, cela représente 10,5 μg par jour pour un enfant de 30 kg et 26,25 μg pour un adulte de 75 kg.
Mais voici le problème : à raison d’une barre de chocolat par jour (20 g), ce sont jusqu’à 9 μg de cadmium qui peuvent être ingurgités quotidiennement, représentant 85 % de la dose maximale chez l’enfant et un tiers chez l’adulte.
Le paradoxe du chocolat bio
L’enquête révèle un paradoxe troublant : sur les dix tablettes qui contiennent le plus de cadmium, neuf sont bio. La tablette « Ethiquable Pérou 70% » arrive en tête avec 35% de la dose maximale quotidienne de cadmium pour seulement 20 grammes de chocolat consommés.
Les fèves de cacao bio viennent principalement d’Amérique latine, où, dans certaines zones de production, les sols sont naturellement riches en cadmium. Cette contamination géologique naturelle explique pourquoi des produits issus de l’agriculture biologique, pourtant exempts d’engrais chimiques, peuvent contenir plus de cadmium que leurs équivalents conventionnels.
L’accumulation : le danger invisible
Contrairement à d’autres substances toxiques, le cadmium ne provoque pas d’empoisonnement immédiat. Il persiste et s’accumule dans l’organisme au fil des années du fait d’une demi-vie comprise entre 20 à 30 ans.
L’imprégnation moyenne au cadmium de la population française a quasiment doublé entre l’Étude nationale nutrition santé (ENNS) de 2006-2007 et l’étude Esteban de 2014-2016. Plus inquiétant encore : entre 6 et 10 ans, les enfants français seraient cinq fois plus contaminés que les jeunes Américains, six fois plus que les Allemands du même âge.
Cette exposition chronique peut entraîner des fragilisations osseuses, des maladies cardiovasculaires et augmenter significativement les risques de cancers, notamment du pancréas, des reins et de la prostate.
Un problème qui dépasse le chocolat
Déguster dans la même journée deux biscuits fourrés Bjorg, un bol de Chocapic et une tasse de chocolat chaud Poulain apporte à un enfant de 10 ans près de la moitié de la dose maximale quotidienne de cadmium.
Mais le chocolat n’est que la partie visible de l’iceberg. Les plus gros contributeurs au cadmium alimentaire sont les produits à base de céréales (pain, pâtes, riz, céréales du petit-déjeuner), les pommes de terre, les fruits de mer et certains légumes verts.
La source du problème : les engrais phosphatés
Les engrais phosphatés épandus en France dépassent souvent la norme de concentration en cadmium recommandée. Ces engrais, principalement importés du Maroc, contiennent naturellement des concentrations élevées de cadmium en raison de la composition géologique des gisements de phosphate.
Depuis le 1er janvier 2025, les engrais marocains exportés vers l’UE présentent une teneur en cadmium réduite à moins de 20 mg/kg de P2O5, mais les décennies d’utilisation d’engrais plus concentrés ont déjà contaminé nos sols agricoles.
Que faire concrètement ?
Pour les consommateurs de chocolat
Diversifiez vos plaisirs : Alternez entre différentes origines de cacao. L’UFC-Que Choisir recommande de privilégier les tablettes bio dont les fèves ne sont pas importées d’Amérique latine, mais plutôt d’Afrique de l’Ouest ou d’Asie du Sud-Est.
Modérez votre consommation : Une consommation occasionnelle de chocolat noir reste bénéfique pour ses antioxydants, mais évitez d’en faire un aliment quotidien, particulièrement pour les enfants.
Lisez les étiquettes : Privilégiez les chocolats qui mentionnent l’origine des fèves de cacao.
Pour l’alimentation familiale
Variez les féculents : Ne basez pas votre alimentation uniquement sur le blé et les pommes de terre, grands accumulateurs de cadmium.
Attention aux petits-déjeuners : Limitez l’accumulation de produits chocolatés (céréales, pâte à tartiner, chocolat chaud) dans un même repas.
Privilégiez le bio quand c’est possible : Malgré le paradoxe du chocolat, la contamination au cadmium dans les aliments bio est inférieure de 48% en moyenne aux produits conventionnels.
Un enjeu de santé publique
Des voix s’élèvent pour demander au gouvernement de prendre des mesures plus strictes concernant la teneur en cadmium des engrais phosphatés. L’Anses devrait publier d’ici la fin de l’année une évaluation globale de l’imprégnation de la population française au cadmium.
Cette situation nous rappelle que nos choix alimentaires individuels, aussi importants soient-ils, ne peuvent pas tout résoudre. La contamination au cadmium nécessite une réponse systémique : réglementation plus stricte des engrais, diversification des sources d’approvisionnement et accompagnement des agriculteurs vers des pratiques plus durables.
En attendant ces évolutions nécessaires, la vigilance et la modération restent nos meilleurs alliés pour préserver notre santé et celle de nos enfants. Car derrière chaque carré de chocolat se cache une question plus large : celle du modèle agricole que nous voulons soutenir par nos achats quotidiens.
Sources :