C’est arrivé le 24 septembre 1979 : Le jour où l’email est né pour tous

Il y a 45 ans, dans un bureau de Columbus dans l’Ohio, une petite révolution silencieuse allait changer à jamais notre façon de communiquer. Ce jour-là, CompuServe lançait MicroNET, le premier service permettant à monsieur et madame Tout-le-monde d’envoyer des messages électroniques. Sans le savoir, nous venions d’assister à la naissance de l’email grand public.

Quand les ordinateurs parlaient par téléphone

Imaginez un instant l’époque : en 1979, les « micro-ordinateurs » comme on les appelait alors – l’Apple II, le TRS-80 de RadioShack ou encore l’Atari 400 – commençaient tout juste à faire leur apparition dans les foyers américains. Internet n’existait pas encore, pas plus que le Web ou les réseaux sociaux. Pour la plupart des gens, un ordinateur servait avant tout à jouer ou à faire quelques calculs.

CompuServe, entreprise fondée dix ans plus tôt comme filiale d’une compagnie d’assurance, louait jusque-là sa puissance de calcul aux entreprises pendant la journée. Mais que faire de ces énormes machines – « comme dix réfrigérateurs empilés » selon un ancien employé – pendant les longues soirées où elles restaient inutilisées ?

L’idée qui a tout changé

C’est là qu’intervient le génie de MicroNET. Pour 5 dollars de l’heure (plus le coût de l’appel téléphonique), les propriétaires d’ordinateurs personnels pouvaient composer un numéro et se connecter aux mainframes de CompuServe via leur modem. Une fois en ligne, ils découvraient un monde nouveau : des actualités de l’Associated Press, des jeux interactifs, des forums de discussion et surtout… la messagerie électronique.

Dylan Tweney, ancien journaliste technologique, se souvient encore de sa première adresse email : 72241.443@compuserve.com. « J’ai envoyé un email à mon père », raconte-t-il avec émotion. « J’étais si fier. » Son père, professeur d’université, faisait partie des rares privilégiés à avoir déjà accès à l’email dans le milieu académique.

Une interface d’un autre temps

Oubliez les interfaces colorées d’aujourd’hui ! Les premiers utilisateurs de CompuServe voyaient s’afficher du texte vert sur fond noir, naviguaient à l’aide de menus numérotés et tapaient des commandes au clavier. La vitesse de connexion ? 30 à 40 millions de fois plus lente qu’aujourd’hui ! Mais pour l’époque, c’était magique.

Le service proposait déjà une étonnante variété de fonctionnalités : consultation météo, cours de bourse, réservation de billets d’avion, et même du shopping en ligne. Mais ce qui a véritablement captivé les utilisateurs, c’était le besoin de connexion humaine. Le « CB Simulator », ancêtre du chat moderne, est rapidement devenu l’une des fonctionnalités les plus populaires.

Le succès inattendu

Au départ, MicroNET n’était pas vraiment soutenu en interne chez CompuServe. Les commerciaux l’appelaient dédaigneusement « du partage de temps de pacotille ». Mais le succès fut tel que le service fut rebaptisé CompuServe Information Service (CIS) dès juillet 1980.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : en 1987, CIS comptait 380 000 abonnés et représentait 50% des revenus de CompuServe. La société était devenue le plus grand service d’information grand public au monde, à l’exception du Minitel français avec ses quatre millions d’utilisateurs.

L’héritage d’une révolution tranquille

CompuServe a aussi été le premier journal en ligne de l’histoire avec The Columbus Dispatch, suivi rapidement par d’autres grands titres de presse. En 1989, l’entreprise franchit une nouvelle étape historique en connectant son système de messagerie propriétaire à Internet, devenant l’un des premiers services commerciaux à offrir cette passerelle.

Bien que CompuServe ait finalement été racheté par AOL en 1998 avant de fermer définitivement en 2009, son impact sur notre monde moderne est indéniable. Chaque fois que vous ouvrez votre boîte email, que vous participez à un forum ou que vous chattez en ligne, vous utilisez des concepts nés dans les bureaux de Columbus il y a près d’un demi-siècle.

Cette petite révolution du 24 septembre 1979 nous rappelle une vérité essentielle : les plus grandes transformations commencent souvent par de simples idées, testées par quelques passionnés dans des bureaux anonymes. Qui aurait cru qu’un service nocturne pour rentabiliser des ordinateurs oisifs allait poser les bases de notre société connectée ?

Sources :

Blason_La_Veuve
100px-Blason_Compertrix.svg_

Bienvenue

Tout est là où vous l’avez laissé.